Notre balance des paiements est sur une très mauvaise pente

Trois graphiques, qui retracent l’évolution de la balance des paiements courants française, la composante “échange de biens”, et la composante “échange de services” de cette balance des paiements. Au niveau global, la balance des paiements courants de notre pays se dégrade régulièrement depuis 1999 (début de la série statistique fournie par la Banque de France). Elle était excédentaire de plus de 40 milliards d’€ par an en 1999 (au moment de l’entrée en vigueur de la monnaie unique), elle est aujourd’hui (avril 2011) déficitaire de près de 43 milliards d’euros sur 12 mois, le mois de mai promettant de pulvériser les records, vu le déficit commercial observé. Si nous regardons les graphiques plus en détail, nous constatons que les échanges de services (essentiellement le tourisme) restent positifs, malgré une légère tendance à l’érosion, fournissant un excédent annuel d’un peu plus de 10 milliards d’€ : Notre pays reste une nation à fort attrait touristique. En revanche, les échanges de biens montrent une dégradation spectaculaire, passant d’un solde positif annuel supérieur à 20 milliards d’euros à la fin des années 90 à un solde négatif de plus de 60 milliards d’euros à présent, traduisant notamment une perte de compétitivité importante de notre pays sur le plan industriel. Certains libéraux, peut-être motivés par l’admiration qu’ils conservent envers un nouveau pays socialiste encore peu connu , dont les dépenses publiques s’élèvent actuellement à 50% du PIB (il s’agit bien entendu des USA), ou considérant dans le cadre d’utopies théoriques que la nation n’est plus une notion valable aujourd’hui, soutiennent qu’une balance des paiements négative n’est ni une mauvaise chose, ni un problème, puisqu’elle est obligatoirement associée à un flux d’investissements de l’étranger vers notre pays pour équilibrer le déficit courant. Je suis libéral (sans nier la nécessité de l’état), mais totalement en désaccord avec ce point de vue. Un déficit de la balance des paiements peut être due au fait que les acteurs économiques d’un pays sont en train d’investir massivement pour assurer la croissance de leurs entreprises, et qu’ils font appel aux capitaux étrangers pour cela. Cela est vrai dans le cas de certains pays émergents en plein développement, dont le déficit est alors effectivement une vraie préparation de la croissance future, basée sur des investissements productifs. Dans le cas de la France, notre déficit courant traduit une réalité bien moins reluisante : Celle d’un pays qui se désindustrialise tout en vivant à crédit de plus en plus au-dessus de ses moyens, et dont l’état s’endette toujours plus pour tenter de relancer la consommation à coup de subventions et de prestation diverses : L’état s’endette à la place des français, et distribue ensuite à ceux-ci l’argent emprunté pour qu’ils consomment des produits importés. Aux USA, ce même mécanisme est devenu dominant depuis la crise de 2007 (état en déficit public de plus de 10% du PIB), mais auparavant, c’était en grande partie les ménages qui s’endettaient pour consommer des produits importés. Dans un cas comme dans l’autre, notre déficit courant qui se creuse inexorablement montre une seule chose : Nous sommes en train de devenir un pays de consommateurs, dont le niveau de vie dépendra bientôt entièrement du bon vouloir des créanciers qui nous permettent de vivre à crédit, et de la confiance que ceux-ci auront dans nos finances. Cette confiance ne sera pas éternelle. Que faudrait-il faire pour corriger cette situation ? - D’abord retrouver une souveraineté monétaire, l’euro étant devenu clairement une monnaie trop forte pour notre industrie dans le contexte actuel. Qu’on ne dise pas comme le fait Mr Noyer qu’il suffirait de baisser les salaires pour rétablir l’équilibre. Il a peut-être raison en théorie, mais sa théorie est impossible à mettre en pratique en raison des blocages sociaux qui ne manqueront pas de se produire. Notons que notre balance courante était encore à l’équilibre en 2004-2005, et nettement positive avant cette date : Il est encore temps d’agir, et plus ce sera fait rapidement, moins les ajustements seront difficiles à mettre en oeuvre. - Ensuite avoir un état qui dépense moins, mais qui soit capable de fixer ses règles et de les faire respecter, et qui contrôle de près la destination et les objectifs des fonds qu’il dépense (dans le cadre de projets à long terme). Aujourd’hui, nous sommes dans une logique exactement inverse : un état qui dépense à tour de bras (plus de 53% du PIB) sans aucun projet structuré et sans aucun contrôle : Celui-ci se contente de déverser une masse d’argent (emprunté bien entendu, c’est plus facile) depuis le ciel, via des primes à la casse, des “PTZ”, diverses prestations et subventions (en faveur des lobbies qui sont les plus forts dans la rue, mais beaucoup plus rarement en faveur de ceux qui en auraient vraiment besoin) en espérant qu’en tombant au sol, cet argent va produire miraculeusement des choses intéressantes, dans le cadre d’une parodie d’économie de marché. Dans les faits, cet argent déversé sans contrôle servira surtout à acheter des produits importés, creuser notre déficit courant et augmenter notre dépendance financière et matérielle vis à vis de nos fournisseurs et créanciers étrangers. Une dernière nouvelle, pour finir (sans rapport direct avec le sujet de l’article), pour saluer le nouveau creusement de notre déficit public, belle performance réalisée grâce aux prêts à la Grèce (en attendant les suivants, et ceux à destination du Portugal, de l’Irlande, et peut-être d’autres pays). Loïc Abadie

Plan du site